La grande traversée des Alpes à ski – partie 3

Le dernier morceau de cette traversée se passe comme le premier: accompagné des copains. C’est d’abord Stéphane qui me rejoint à Sterzing – Vipiteno, au sud du col du Brenner, dans le Tyrol italien, et nous partons pour Stein, au bout de la vallée, pour repasser en Autriche.

Sterling – Vipiteno, magnifique petit bourg, et très accueillant!

La météo n’est pas bonne, et de bonne heure le matin, on sent déjà le vent souffler dans les arbres. Comment passera-t-on le col du Pfischerjoch? Le brouillard, puis des cristaux de givre se mêlent à la partie. De puissantes bourrasques nous accueillent au col et c’est le combat pour trouver un abri. Par chance, un petit local d’hiver a son volet entre-ouvert, et nous pouvons pousser la fenêtre pour y entrer.

On y passe la fin de journée, puis la nuit, à se relayer pour entretenir le feu et garder ce petit nid douillet. Au lendemain matin, le vent est un peu tombé et nous voilà repartis pour une journée entre éclaircies et forte nébulosité.

Nous montons à la gigantesque Berlinerhütte, totalement fermée, sauf son local d’hiver, et le joyeux rituel recommence: faire du bois, puis du feu, pour faire fondre de la neige et avoir de l’eau, que l’on fera bouillir pour la soupe, le thé, les pâtes ou le riz que l’on aura tirer de nos sacs. Le jour tombera gentiment et on se glissera sous d’épaisses couvertures après avoir admiré le coucher de soleil et passé une belle soirée à discuter entre amis.

 

Au lever du jour, les sauvages Zillertaler Alpen nous montrent toutes leurs splendeurs et nous filons sur le Schwarzenstein pour re-basculer dans le Tyrol italien.

La descente sur la vallée Ahrntal est la plus fantastique de cette traversée des Alpes, avec une petite poudreuse sur fond dur, 30-35° de pente, et personne! Quel régal!

Bon, c’est vrai, la fin se finit à pied, dans les doux pâturages printaniers. 🙂

Nous nous approchons du dernier massif de cette traversée, les Hohe Tauern, et comme son nom l’indique, ce sont les plus hauts sommets autrichiens. Les étapes seront longues, avec du dénivelé, et la météo sera parfois capricieuse.

Kasern am Ahrntal – Kürsingerhütte, +2300m, 30 km, un beau bébé! Et c’est parti pour la gestion de l’effort et pour une bonne hydratation, car il fait assez chaud! 

La journée est splendide et on rejoint la cabane dans l’après-midi, pour un repos bien mérité, avant l’attaque du Grossvenediger, montagne très populaire pour le ski de rando, que l’on atteindra le lendemain.

Le sable du Sahara nous offre de superbes jeux de lumière.

Un sommet pratiquement les skis aux pieds, puis nous entamons une magnifique descente sur Matreier Tauernhaus.

Sur le chemin, la Chapelle caméléon comme l’a appelée Stéphane. Superbe!

On atteint notre douillette auberge, où l’on a rendez-vous avec Blaise, qui a fait 11 heures de train pour terminer avec nous deux la traversée des Alpes. Vive les potes!

Petit portage matinal, pour une journée toute en longueur et parvenir à la Rudolfshütte, énorme vaisseau à touristes, qui nous a laissés assez pantois.

Ça change radicalement de nos cabanes de montagne vues jusqu’alors. Mais c’est le passage obligé pour parvenir au Großglockner, le point culminant de l’Autriche et la fin de ma traversée.

De la Rudolshütte, direction le Romariswandköpfe et la Stüdlhütte. Cette journée sera une des plus compliquées de ces deux mois de montagne; la visibilité est quasi nulle, avec fort heureusement quelques percées de lumière pour nous indiquer la ligne à suivre.

La neige est en faible quantité et les glaciers sont bien secs. On s’encorde autant bien à la montée qu’à la descente. 
Passage de séracs, slalom entre les crevasses, nos outils d’orientation sont bien utiles et notre boussole mentale est mise à rude épreuve! Stéphane se blesse en chutant dans des blocs de glace. Côte cassée! Il serre les dents pour passer la Romariswandscharte et descendre sur la cabane.

C’est la délivrance, après plus de 8 heures d’une lutte acharnée contre les éléments. La montagne peut être très accueillante, comme terriblement inhospitalière,  et si l’on passe une journée à l’affronter, en combat singulier, et que finalement nous atteignons notre but, alors nous pouvons être fiers de nous.

Ne reste que la cerise sur le gâteau, l’ascension du Großglockner, qui se fera malheureusement sans Stéphane, souffrant, et dans l’incertitude du vent, du brouillard, et du froid.

Le voilà qui point sur la ligne de crête au lever du jour, et s’approchant pas à pas, il se laisse découvrir dans toute sa splendeur.

L’ascension devient plus technique, le soleil joue avec les nuages, et le vent faiblit sur la face sud.

Puis la croix dorée du sommet est là, solidement ancrée au rocher. On est au-dessus des nuages, il ne souffle qu’une légère brise, et nous vivons avec Blaise un moment magique, un moment de pure plénitude…

 

Voilà, c’est fini, je suis à la fin de mon voyage. Du 17 février au 17 avril 2022, j’ai traversé les Alpes, avec des potes, avec des clients, amis eux aussi,  et je suis profondément reconnaissant de leur engagement dans mon aventure!

Que suis-je venu chercher dans ce parcours?

Très certainement le goût de l’Aventure, car nos Alpes sont des trésors de la nature, des petits coins cachés qui ne redemandent qu’à être à nouveau explorés, et que l’on se doit de préserver. Ce sont aussi les gens de nos vallées qu’il vaut la peine de rencontrer, car ils sont comme nous, simples,  francs, et accueillants.

J’aime aussi dans ce voyage le fait de vivre l’Incertitude. Où, trop souvent, tout est planifié et connu, partir ainsi, c’est ne pas savoir où l’on va s’arrêter, dormir, ou manger. Comment sera le prochain passage, l’état de la cabane, la météo dans 1 heure, l’état de forme de mes clients demain, ma fixation de ski tiendra-t-elle jusqu’à la fin de la journée? Il faut alors s’en remettre à la confiance, et à la persévérance, et faire preuve d’une bonne dose d’adaptabilité!

Enfin, en partant 2 mois, j’ai réalisé combien ma famille est importante pour moi. Pouvoir réaliser ses rêves, c’est surtout avoir la chance d’avoir une épouse et des enfants si compréhensifs et à ses côtés dans de tels projets un peu fous! Ils m’ont manqué…


Merci à vous toutes et tous qui avez partagé un bout de ce voyage avec moi. Un doux sentiment de sérénité m’habite désormais. Car l’Aventure, c’est tellement ressourçant! MERCI!

Comme dernier document, voici le tracé (en noir) de ma traversée des Alpes à ski.